William PITCHOT
Dans notre société occidentale, l’idée de sortir des « relations toxiques » est souvent mise en avant comme une étape essentielle pour préserver son bien-être mental et émotionnel. Prendre conscience que certaines relations peuvent nuire à notre santé mentale est une démarche plutôt positive. Cela encourage à établir des limites, à reconnaître ses besoins et à prioriser son épanouissement. S’éloigner de relations qui nous affectent négativement est une manière de se responsabiliser par rapport à sa propre santé émotionnelle. L’objectif est aussi d’éviter de tomber dans un schéma de victimisation (phénomène de plus en plus présent dans notre société occidentale) où l’on rend toujours les autres responsables de nos problèmes. En effet, quand on s’identifie trop à la victime, on risque de projeter cette dynamique dans toutes nos relations, renforçant un cycle négatif où l’on attend toujours que l’autre reconnaisse ses torts et qu’il change dans le sens de nos aspirations. Or, reconnaître son rôle, son implication, dans une relation ne signifie pas se rendre seul(e) responsable de tous les problèmes. Certaines relations peuvent être objectivement nuisibles en raison de comportements problématiques comme la violence, la manipulation, le harcèlement moral ou l’abus. On doit ainsi tendre en permanence (et ce n’est pas un exercice facile) vers une vision équilibrée de la relation.

La notion de toxicité d’une relation est devenue un véritable phénomène de mode. Ce terme revient très régulièrement lors de nos consultations mais l’idée qu’il sous-tend n’est jamais positive ou constructive. Je pense qu’avant de pouvoir faire un travail de remise en question de notre relation aux autres et d’éventuellement faire le choix de se libérer de certains liens, on doit en priorité tenter d’éliminer ce mot « toxique » de notre langage et utiliser un vocabulaire plus en adéquation avec la réalité.
Ce terme toxique a une charge émotionnelle puissante, associée à l’idée de contamination, de destruction ou de danger immédiat. Il peut parfois être trop catégorique ou absolu, alors que les relations humaines sont complexes. Ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas pour nous peut être totalement différent pour quelqu’un d’autre. Cela ne signifie pas nécessairement que ces personnes sont mauvaises, mais simplement que nos besoins, nos valeurs ou nos énergies ne s’alignent plus.
Dans notre communication avec les autres mais aussi avec nous-même, il est important d’utiliser les bons mots pour éviter de juger ou de blesser, tout en affirmant notre droit à préserver notre bien-être. Cela reflète aussi une certaine humilité : vous reconnaissez que chacun peut évoluer et trouver des connexions ailleurs. Il ne s’agit pas de se sentir supérieur, mais d’être en harmonie avec soi-même tout en respectant les autres.
On pourrait ainsi proposer des termes alternatifs comme relation conflictuelle, déséquilibrée ou dissonante. Je ferais ce choix d’utiliser l’expression « relation dissonante » plus nuancée et moins chargée émotionnellement. Le mot « dissonant » invite à analyser les causes d’un désaccord ou d’un inconfort plutôt qu’à rejeter immédiatement la relation comme nuisible. Une dissonance peut être temporaire ou circonstancielle. Cela laisse la place à la possibilité de travailler sur la relation pour éventuellement la réharmoniser, contrairement à « toxique », qui semble souvent définitif.